Indiana et Harrison méritaient un meilleur départ

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** Action-aventures. États-Unis, 2023. Durée : 154 min. Réalisateur : James Mangold. Scénario : Jez Butterworth et John-Henry Butterworth. Musique : John Williams. Photographie : Phendon Papamichael. Avec : Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, John Rhys-Davies, Antonio Banderas

La première erreur (d’ordre émotionnel et liée à la gratitude) qui alourdit ce retour attendu et décevant d’Indy Jones et l’adieu à Harrison Ford est qu’il n’est pas dirigé par Spielberg. Le retour du héros et surtout l’adieu de l’acteur exigeaient que les amis qui avaient planté le décor en 1981 -Spielberg, Ford, Williams et en invitée spéciale Karen Allen- se retrouvent pour trinquer avec nous à la clôture de la saga. Ce que le personnage d’Indiana Jones représente dans l’histoire du cinéma et ce que Spielberg lui doit, puisqu’il lui a permis de se remettre du plus gros échec et du pire film de sa carrière, cet oubliable 1941, méritait que son créateur se donne la peine de réaliser le au revoir. On dit qu’il voulait toucher le jeune public en choisissant un nouveau regard sur la série.

Ce qui nous amène à la deuxième erreur : le choix de ce nouveau look qui s’avère être celui du médiocre James Mangold, auteur d’horreurs (et d’échecs retentissants) comme Night and Day, de carapaces bruyantes comme Immortal Wolverine et Logan, des intermédiaires corrects comme Copland ou Le Train 3.10 et seulement deux films intéressants, le biopic sur Johnny Cash sur la corde raide et Le Mans 66. Mangold n’ajoute rien et enlève beaucoup à l’univers que Spielberg a toujours dirigé jusqu’à ce cinquième volet. Si son choix et ce que propose ce film avec son esthétique vidéoludique et son abus d’effets numériques est lié à la recherche d’un jeune public, il semble que Spielberg ne doive pas avoir une très haute opinion des jeunes.

La troisième erreur est le script moche signé par les frères Jez et John Henry Butterworth (responsable de The Last Legion ou Edge of Tomorrow) et Mangold lui-même. Dans un très long film de deux heures et demie, les scénaristes, avec la technique du chorizo ​​​​avec laquelle la viande est farcie dans l’intestin, pressent des éléments historico-fantastiques qui vont des pouvoirs supposés de la lance de Longinos aux inventions de Archimède que, bien sûr, les nazis d’hier et d’aujourd’hui (aujourd’hui dans le film, c’est 1969) recherchent : ceux d’hier pour gagner la guerre qu’ils ont perdue et ceux d’aujourd’hui (c’est-à-dire 1969) pour gagner la guerre qu’ils ont perdue (un des quelques détails sympas du film est le coup de pied dans le tibia à Wernher Von Braum, le scientifique nazi qui a donné à Hitler le V2 et aux États-Unis l’Apollo 11 qui a emmené l’homme sur la lune, un exploit dont la célébration en juillet 1969 ouvre le deuxième partie du film). Le tout dans un laps de temps qui nous emmène en 1944, 1969 et 212 avant JC (car le cadran de destination recherché permet de voyager dans le temps) et géographiquement de l’Allemagne à New York, Tanger, la mer Egée et Syracuse. Le script ne parvient pas à mettre harmonieusement tous les ingrédients dans le bide. Ça avance par saccades : ça commence bien, quoique avec un excès de fanfare numérique qui se répétera dans toutes les scènes d’action ; puis il stagne longtemps de New York à Tanger ; récupère le ton dans les épisodes de la mer Égée et de Syracuse, où apparaissent enfin les grottes, les passages, les insectes dégoûtants, les temples souterrains et les squelettes de ceux qui ont tenté de percer leurs secrets si importants dans l’univers Jones ; et cela se résout en une fin fantaisiste mais inintéressante plus un épilogue doux, le moment Karen Allen, qui a l’intention de dire au revoir à Indy avec une larme et un clin d’œil. Le scénario ne tombe pas non plus dans le mille, et c’est très grave car on sait qu’un bon méchant fait un bon film, dans la création des ennemis d’Indy, aussi stéréotypés que ses amis et collaborateurs.

Cela nous amène à la quatrième erreur, qui est le casting. Harrison Ford, bien sûr, va bien quand c’est lui et moins quand c’est une poupée numérisée rajeunie. Phoebe Waller-Bridge gesticule sauvagement en tant que filleule espiègle, aventureuse et éhontée de Jones; son petit ami Ethann Isidore la suit dans les gesticulations avec un certain air de Sabú ; notre Antonio Banderas met peut-être trop d’intensité dans son bref rôle. Les pires, en tant que personnages et performances, sont les méchants : Mads Mikkelsen en tant que scientifique nazi et le fade Boyd Holbrook et le placard Olivier Rirchers en tant que ses tueurs à gages. Pas mal, en revanche, Shaunette Renée Wilson en Agent Mason, caractérisée avec un certain air entre Angela Davis et Angie de Scooby-Doo.

Seul le grand John Williams est à la hauteur de la série, du personnage et de ses adieux, qui crée une très bonne bande son (dommage que le thème d’Indiana Jones soit trop souvent utilisé) qui inclut ce que je considère comme un des grands thèmes de sa longue carrière pour le personnage d’Helena.

En conclusion : Indy méritait un meilleur adieu que ce film routinier et divertissant seulement par moments.

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